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lundi 2 avril 2018

Aimer et souffrir




Aimer c’est souffrir.
Pour éviter de souffrir, il faut éviter d’aimer.
Mais alors on souffre de ne pas aimer.
Par conséquent,
aimer c’est souffrir,
ne pas aimer c’est souffrir,
et souffrir c’est souffrir.

Woody Allen
















     Cruelle boutade de Woody Allen. Les relations amoureuses ont toujours quelque chose de douloureux. Mais ne pas aimer n'est pas une solution. La solitude est pénible ; la haine et la rancœur encore beaucoup plus pénible. Quoiqu'on fasse, on semble piégé dans la souffrance. La solution prônée par le Bouddha est simple : abandonner les jeux de l'amour, toujours décevants, toujours créant de l'attachement, des soucis, des troubles, des ennuis, et devenir moine, cultiver le détachement et pratiquer l'amour bienveillant illimité et sans attachement. On ne quitte pas à proprement parler la sphère de l'amour, mais c'est une autre dimension de l'amour que cet amour bienveillant illimité, incommensurable dont parle le Bouddha.


     Maintenant, la question est : comment mieux vivre l'amour quand on n'est pas un moine ou un ascète assis seul sur sa montagne ? Comment mieux vivre l'amour conjugal, charnel, familial, toutes ces formes d'amour qui créent de l'attachement et qui suscitent tant de passions, souvent tristes, parfois dévastatrices ? Est-ce qu'on peut échapper aux conflits, aux disputes, aux déceptions, aux trahisons, au moins en partie ? Peut-on envisager l'amour dans une perspective eudémoniste, c'est-à-dire une approche philosophique qui envisage le bonheur comme le but central de l'existence ? Ou la sagesse est-elle nécessairement d'abandonner cet amour passionnel, trop lié au désir pour vivre dans le détachement et le rejet de l'attirance et de nos pulsions sexuelles, en tous cas de leur contrôle ? Mais dans ce cas-là, si on fait vœu de célibat et de chasteté pour déraciner en nous toutes formes de désir comme le préconise le Bouddha, est-ce que ces vœux sont-ils si faciles à tenir ? Peut-on se libérer si facilement de la libido, des désirs sexuels ainsi que des désirs amoureux ? C'est facile à dire, mais est-ce facile à faire concrètement ?


      En fait, les relations amoureuses posent un problème de taille. Il faut être deux au moins pour aimer. Je peux cultiver la sagesse dans mon corps et mon esprit, ce qui n'est déjà pas facile tant la force des passions et du désir peuvent nous faire perdre toute sagesse en matière amoureuse ; mais si mon ou ma partenaire n'est pas dans cette recherche de sagesse, cela risque de ne pas fonctionner. Il faut qu'il il y ait une recherche commune de sagesse, sans que cela soit une garantie pour que cela marche à tous les coups. Il faut que les désirs coïncident ; et très souvent, ce n'est pas le cas, même avec les meilleures volontés du monde. « Le drame dans un couple, disait Léo Ferré, c'est qu'on est deux ».


          Et il faut encore prendre en compte la société qui se tient toujours là en arrière-fond, qui exerce une pression morale sur chacun des partenaires amoureux, qui exige le respect de codes souvent tacites et qui véhicule toutes sortes d'idées reçues sur ce qu'est l'amour ou ce qu'il devrait être. Je pense par exemple à des idées d'amour éternel qui se heurtent bien souvent à la réalité qui veut que l'amour n'est bien souvent pas voué à persister l'éternité entière, et dans bien des cas, n'est pas voué non plus à être particulièrement durable. Je pense que cette notion d'amour éternel enferme encore beaucoup de gens dans le malheur. Faut-il absolument la rejeter ? Je ne sais pas non plus. Parce que d'une part, on fait peut-être une certaine expérience d'éternité dans l'amour conjugal, quand bien même la relation ne durerait qu'une nuit. Mais pour moi, cette expérience d'éternité est en fait un écho de maitri, l'amour bienveillant illimité qui est toujours terrée au cœur de chaque manifestation d'amour passionnel. D'autre part, il y a bien une raison sociale à exiger la durabilité de l'amour, et cette raison, c'est l'intérêt supérieur des enfants. Pour élever des enfants, il faut que les deux parents, et si possible, la famille et les proches, participent à cette éducation et à la protection des enfants.


         Donc y a-t-il des améliorations possibles dans notre façon d'appréhender l'amour ? Est-ce que cela doit venir de nous ? Des autres ? Ou d'un changement dans la société ? Peut-on imaginer des relations amoureuses qui soient harmonieuses, et qu'est-ce qu'une relation harmonieuse ? Ou faut-il se résigner à souffrir dès lors qu'on est engagé dans une relation ou que l'on désire seulement ces relations ? Est-ce que l'idée même d'une relation harmonieuse n'est pas un fantasme qui apporte de la douleur en nous écartant du réel ? A-t-on besoin des modèles de l'amour que la culture, la littérature, les films, la philosophie ou la religion véhiculent ? Ou au contraire, faut-il s'en affranchir au nom de la modernité et d'un désir de liberté ? Est-ce qu'il y a, par exemple, derrière nos modèles de l'amour des schémas patriarcaux qu'il serait urgent de déconstruire ? Voilà bien des questions !





























Voir aussi à propos de l'amour : 




Les différentes formes de l'amour et comment concilier ces différentes formes avec sagesse.















Sur la méditation  de l'amour bienveillant et des Quatre Qualités Incommensurables :


Les Quatre Demeures de Brahmā : amour illimité, compassion illimitée, joie illimité et équanimité illimitée



- Faire rayonner les quatre qualités


Méditation des Quatre Incommensurables




Esprit d’Éveil


     Comment produire l'esprit d’Éveil ou bodhicittaL'esprit d’Éveil est le souhait que tous les êtres soient libérés de la souffrance et deviennent des êtres pleinement éveillés. Les enseignements du lama tibétain Dza Patrül Rimpotché (XIXème siècle). 




Empathie et altruisme

   Développer l'empathie et l'altruisme selon la philosophie bouddhiste











Voir tous les articles et les essais du "Reflet de la lune" autour de la philosophie bouddhique ici.



Voir toutes les citations du "Reflet de la Lune" ici.




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