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dimanche 6 août 2017

Spéculation




Spéculation




Étranges sont ces pics, ce cortège de nuages,
La source n'a pour cours que cette eau qui gargouille.
Marcher dans la montagne n'épuise pas ses monts,
D'autres massifs encore nous barrent le regard.

Baiyang Fashun (XIIème siècle)




Song Zhang, Vue sur la montagne, 2013. 






     Ce poème d'un moine Chan résonne comme une métaphore de la Voie. Quand on marche en montagne, on avance d'un pas décidé vers le sommet majestueux qui se dessine bien distinct dans le ciel bleu. On grimpe jusqu'au promontoire qui nous sépare de ce sommet. Et on est content d'atteindre ce promontoire, mais cette joie est de très courte durée. On se rend que derrière ce promontoire, il y a une vallée ou un col que l'on doit franchir pour atteindre un second promontoire. Et ce promontoire-là cache d'autres vallées, d'autres cols, d'autres routes sinueuses, précipices et falaises. La route peut être longue en montagne avant d'atteindre le sommet majestueux.

       Il en va de même avec l’Éveil. Quand on commence à pratiquer la Voie du Bouddha, l’Éveil semble être proche. Mais plus on chemine, plus on se rend compte que la route est longue avant de dissiper nos penchants négatifs, nos fautes, nos obscurcissements. Il y a un sommet majestueux incarné par le Bouddha, mais les obstacles sont nombreux et subtils. De plus en plus subtils au fur et à mesure que l'on progresse.

         Il y a une autre métaphore intéressante à ce sujet. C'est celle qui compare l’Éveil à une fleur de lotus qui doit s'ouvrir pour que l'on devienne soi-même un Bouddha. Cela semble être une opération aisée. Quelques expériences de méditation, une conduite juste, éprouver la béatitude et la concentration, et la fleur de lotus s'ouvre sur l’Éveil suprême. Mais le souci est derrière les premiers pétales de la fleur de lotus se cachent d'autre pétales. On dit que la fleur de lotus de l’Éveil compte mille pétales, probablement beaucoup plus ! Certains se sentiront très proches de l'état d'un bouddha dès lors qu'ils auront ouvert quelques pétales avec quelques expériences spirituelles rayonnantes. Mais en fait, il faut toujours aller plus loin dans l'attention, dans la bienveillance et l'équanimité pour espérer ouvrir le cœur vide de cette fleur de lotus.









Eyvind Earle - Montagnes brumeuses








Je tire ce poème de Baiyang Fashun d'une petite anthologie très bien faite « Poèmes Chan », publiée aux éditions Picquier, traduction de Jacques Pimpaneau, Arles, 2005 (2016 pour l'édition de poche).




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Un jour, une photo








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