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dimanche 14 mai 2017

Une conscience universelle






     Est-il possible que toutes les consciences et toutes les vies proviennent de la même conscience universelle ? C'est la question qu'on m'a posé récemment. Pour certains penseurs, la conscience universelle se diffracte dans les consciences individuelles qui, elles-mêmes, se diffusent en énergie vitale partout dans le monde et crée les animaux, les plantes, les champignons et les humains, tout ce qui vit sur Terre et ailleurs.


      Faisons remarquer d'emblée que cela va à rebours du « sens commun » : nous sommes souvent amenés à considérer qu'il y a d'abord des êtres vivants sur Terre, et que certains de ces êtres vivants se voient dotés d'une sensibilité et d'une conscience. Le débat se déplace alors sur la question de la nature de la conscience : est-elle due du fait de l'apparition d'un système nerveux (pour ceux qui adhèrent à une conception matérialiste du monde) ou cette conscience transcende-t-elle la matérialité (pour ceux qui se reconnaissent dans une approche plus spiritualiste) ? La conscience est-elle une production de la Nature ou est-elle un don de Dieu ? D'autres dont je ne suis pas, opèrent une disjonction entre les humains et les animaux. Aristote, par exemple, pensait que l'Homme avait trois âmes : l'âme végétative qui influe sur notre forme physique et nous fait croître, l'âme animale qui nous bouger et réagir aux stimuli, et l'âme proprement humaine qui nous permet d'employer la raison et le langage qui véhicule les idées de la raison. Les plantes n'ont que la première âme, et les animaux seulement les deux premières. En tant qu'antispéciste, il va sans dire que je ne partage pas cette conception qui crée une différence de nature entre l'homme et l'animal : l'homme a bien entendu des capacités supérieures de raisonner, mais sans pour autant qu'il y ait une frontière infranchissable entre hommes et animaux. Des chimpanzés sont capables d'apprendre des centaines de pictogrammes ou de signes pour dialoguer avec les humains. Par contre, je maintiens la différence de nature d'avec les plantes qui sont des êtres vivants comme nous, mais sans conscience pour autant.

       Donc selon ce « sens commun », on part de la matière inerte, tous ces atomes dans l'univers qui s'assemblent en molécules plus complexes. Et à un moment émerge la vie, la métaphysique, la religion ou la science auront la tâche d'expliquer pourquoi et comment. Ensuite, de cette vie, émergera les consciences, et là encore la métaphysique, la religion ou la science seront sommés d'expliquer pourquoi et comment.

      Envisager une conscience universelle retourne la problématique. Cette âme du monde va se faire le terreau d'une toute une série de jeunes pousses qui auront l'illusion de se croire séparées les unes des autres : une infinité de consciences qui se croiront individuelles, mais si elles procèdent de cette conscience première à laquelle toute pensée, tout esprit se rattache et n'en est qu'une part infime, même si elle ne voit qu'elle-même. Et ces consciences individuelles sont autant de puissances créatrices qui insufflent la vie dans ce monde inerte et froid de la matière. La conscience personnelle comme semence de vie.





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         Alors, qu'est-ce que j'en pense, moi ? Personnellement, j'évite de me prononcer dogmatiquement sur les questions de métaphysique qui sont au-delà de notre entendement humain. Je pense qu'en cette matière, aucun savoir n'est véritablement possible, on ne peut qu'avoir foi en telle ou telle possibilité. J'avoue avoir de mal à croire en cette possibilité d'une conscience universelle qui façonne le monde et les êtres. C'est très probablement que j'ai du mal à concevoir que ma conscience ne soit qu'une partie d'une conscience beaucoup plus grande, infiniment plus vaste. J'aurai tendance à souscrire à l'idée d'une infinité de consciences qui ont besoin du monde matériel pour coexister ensemble. Dans sa singularité, la conscience me semble infiniment seule, renfermée sur elle-même, dans un espace paradoxalement infini et lumineux, mais vide de la présence d'un autre. Et encore... Il est fort possible que cette conscience dans sa nature fondamentale ne soit pas la réalité ultime.... Il est possible qu'il y ait un au-delà de ce spectateur du monde...

           Je pense aussi que, s'il y a conscience universelle et que nous sommes des petits fragments de cette conscience englobante, cette conscience universelle ne peut pas être une conscience parfaite, elle ne peut pas être la conscience d'un Dieu tout puissant puisque cette conscience contient des zones d'ombres du fait de nos propres zones d'ombres, de nos défauts, de notre inconscient, de notre aveuglement et de notre ignorance. Cette conscience universelle doit encore s'éveiller à la véritable nature des choses puisque notre esprit individuel est sous l'emprise des émotions et de l'illusion (ainsi qu'une infinité de consciences dans ce monde d'ailleurs qui ont encore beaucoup de chemin à faire pour atteindre la perfection). C'est comme si nous étions un neurone du cerveau du monde, mais que ce neurone avait encore un peu tendance à dysfonctionner comme la plupart des neurones de ce cerveau par ailleurs.

         Ce qui est intéressant dans cette vision, c'est que notre Éveil intérieur a tout de suite des répercussions sur l'ensemble des êtres. La quête individuelle de la libération contribue dans sa modeste mesure à la libération de toute la conscience individuelle. La lumière apportée au monde contribue à éclairer tous les esprits de ce monde. Cela est un développement intéressant, mais il me semble que la réalité est plus du côté d'une interdépendance de toutes les consciences de ce monde plutôt qu'une intégration de toutes les consciences dans une conscience unique, une âme du monde qui serait le grand réservoir de toutes les consciences.
















Sur la nature de la conscience, voir aussi : 


  • Les notes sur « Cerveau et méditation » de Matthieu Ricard et Wolf Singer :





- 4ème partie : Libre-arbitre et déterminisme


























Voir tous les articles et les essais du "Reflet de la Lune" autour de la philosophie bouddhique ici.

Voir toutes les citations du "Reflet de la Lune" ici.






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