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mardi 6 septembre 2016

Haute fréquence



   Les ordinateurs prennent une place toujours plus importante dans tous les aspects de la vie quotidienne, et notamment dans les aspects économiques et financiers. Vous retirez votre argent au distributeur, quand vous ne faites pas vos paiements directement au moyen de votre carte bancaire. Vous faites vos virements en ligne ; il n'y a plus que les vieilles personnes pour remettre un petit papier à leur banquier. Les agences bancaires ferment les unes après les autres, puisque tous les services que la banque peut vous offrir sont à disposition à partir de votre ordinateur. À la bourse, tout s'est automatisé. Au XXème siècle, on voyait les traders crier et hurler à la bourse, se faisant les uns aux autres de signes cabalistiques pour acheter ou vendre des actions à la corbeille. Les traders travaillent maintenant derrière leur écran d'ordinateur. Les traders ont tendance à eux-mêmes laisser la place aux ordinateurs pour donner des ordres d'achat ou de ventes des actions. C'est ce qu'on appelle le trading à haute fréquence.

      Les opérations boursières se font maintenant au rythme de la milliseconde, voire de la microseconde. Il se passe tout un brouillard d'activité boursière totalement inaccessible à l'être humain, et qui, pourtant, a des conséquences concrètes sur les humains, sur les gens qui jouent en bourse, sur les consommateurs et sur les travailleurs qui subissent le contrecoup de cette activité boursière numérique. La question que pose le trading à haute fréquence, c'est quel est le sens de posséder une action pour une milliseconde ou une microseconde (un millionième de seconde) avant de la revendre. Dans le monde réel, si on possède quelque chose, c'est pour en jouir d'une manière ou d'une autre. J'achète une maison pour y habiter. J'achète du vin pour le savourer et m’enivrer. J'achète une crème à la glace pour la déguster un jour ensoleillé d'été. Il faut bien sûr plus de temps pour jouir d'une maison que pour jouir d'une crème glacée. Ma crème glacée va me procurer un plaisir de une ou deux minutes, cinq minutes tout au plus. Mais malgré cela n'a aucun sens de jouir d'une crème glacée durant seulement une milliseconde ou une microseconde.


    Bien sûr, je peux revendre ma maison comme je pourrai revendre ma crème à la glace avant qu'elle ne fonde. Je chercherai à faire du bénéfice à la revente. Et c'est le principe du trading à haute fréquence : acheter/vendre, acheter/vendre, acheter/vendre, et cela des milliers de fois sur une seconde. Mais ce commerce est alors totalement détaché de l'usage que les humains peuvent en faire. Les machines ne font plus que de l'argent que pour faire de l'argent. Bien sûr, derrière ces machines, on suppose que de riches financiers savourent les plantureux bénéfices que leur procurent les ordinateurs qui accomplissent le trading à haute fréquence. Mais si cela rapporte de l'argent à ces magnats de la bourse, à qui est-ce que cela coûte de l'argent ? Aux citoyens, aux gens, au peuple, ben entendu, qui n'ont aucun intérêt dans cette folie numérique.

     Le trading à haute fréquence rend sûrement fou les acteurs du monde de la finance qui essayent de faire des câbles de fibre optique pour transporter l'information toujours plus vite pour pouvoir prendre de court le concurrent qui se trouve sur une place boursière dans le monde. En juin 2010, une société américaine, Spread Network, a relié la bourse de Chicago au New Jersey avec un câble de fibre optique, pour un coût total d’environ 300 millions de dollars. L’objectif recherché était de permettre le passage d'information entre les serveurs de la bourse de Chicago à ceux du NASDAQ (dans le New Jersey, à proximité de New-York et donc de Wall Street) en moins de 13 millisecondes aller-retour. La distance entre ces deux points est de 1330 km à peu près. Si on fait le calcul, 13 millisecondes pour 2660 kilomètres (aller-retour), cela donne une vitesse d’environ 200.000 km/seconde : une vitesse proche de la vitesse de la lumière (300 000 km/seconde). Tout cela pour gagner un avantage de quelques millisecondes sur son concurrent qui a agi à partir d'une place comme Shanghai, Singapour ou Londres. Dans le cas du câble mis en place par Spread Network est de bénéficier d'un gain de 1,5 microseconde (0,0000015 seconde). Quel est l'intérêt social de ce gain de temps qu'un être humain n'est même pas en mesure d'identifier ? À quoi cela peut-il servir le bien commun ? Franchement ?


   Pour moi, cela n'a pas de sens. Je ne suis certes pas économiste. Mais en-dehors d'intérêts privés de peu de gens qui savent se rendent maîtres de ces hautes technologies, je n'y vois pas d'intérêt pour le peuple. S'il y a un, qu'on me l'explique ! Je propose donc qu'on interdise au niveau européen, ou mieux encore au niveau mondial, ce trading à haute fréquence. Il faudrait légalement imposer l'idée que posséder quelque chose (une maison, une crème glacée, une action boursière), c'est posséder cette chose pour au moins une seconde, voire une minute. Le commerce doit être au service des humains et s'intégrer dans les relations humaines, à des échelles de temps que les humains maîtrisent. C'est pourquoi il est temps de revenir à une échelle de temps qui est celle de la seconde, voire de la minute. Ce qui est encore très rapide. Les humains ou les ordinateurs ne pourraient revendre ce bien possédé qu'après ce laps de temps minimum légal. Cela ne résoudrait pas tous les problèmes de l'économie globale, loin s'en faut. Mais au moins, cela n'en rajouterait pas en livrant l'économie aux seules machines.











Voir aussi : 







Voir toutes les citations du "Reflet de la Lune" ici.





Bourse à la criée (quand c'était les humains qui faisaient l'économie)





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