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mardi 9 août 2016

La moralité de l'Homme



     Suite à mon article « L’œuf et la poule » où je défendais l'idée que ce n'est pas nécessairement un mal de consommer les œufs de la poule que l'on aurais recueilli dans son jardin., j'ai eu un débat sur le réseau social Twitter. Un internaute m'a dit que, par définition, le véganisme impliquait de ne jamais manger aucune substance animale. Ce à quoi j'ai répondu que la question est : faut-il une définition du véganisme à la lettre ou suivre l'esprit du véganisme ? Pour moi, la compassion est l'esprit véritable du véganisme, l'idée de vouloir éviter de faire souffrir inutilement tout être vivant doué de conscience. Dans les rares cas où consommer un produit animal (comme un œuf par exemple) n’entraîne pas de souffrance et de cruauté, je ne pense pas qu'il y ait un mal à le faire. Cela ne veut pas dire qu'il faille le faire nécessairement, mais ce n'est pas quelque chose de condamnable moralement. Je permets d'insister sur le terme « rare ». En effet, les cas où la consommation de produits animaux n'entraîne pas de souffrances sont très rares : ramasser les œufs de la poule que vous traitez bien (sans avoir l'intention qu'elle produise pour vous une nourriture), trouver de la viande dans une poubelle et la manger, manger un animal qui vient de se faire écraser sur la route.... On admettra là que ce sont des cas marginaux, absolument pas représentatifs de ce qu'implique généralement la production d'aliments d'origine animale.

     Enfin, l'internaute m'a objecté ceci : « Il faut privilégier la question de la moralité : l'homme peut-il s'octroyer une supériorité morale par rapport aux autres animaux ? ». Est-ce que l'homme a un droit moral de posséder des animaux (des poules dans son jardin en l'occurrence), de bénéficier du travail fourni par ses animaux et de jouir des ressources que ces animaux produisent (des œufs en l'occurrence) ? Les 140 caractères autorisés par Twitter étant un espace un trop restreint pour un débat philosophique et éthique, je me propose de répondre ici à la question.


       Au risque de choquer les antispécistes, je commencerai par répondre « oui » à la question posée par l'internaute : oui, l'homme est doué d'une supériorité morale par rapport aux animaux. Du fait de ses capacités cérébrales hautement développées, l'homme a le pouvoir de développer une morale et une réflexion sur le bien et le mal beaucoup plus que n'importe quelle espèce animale. On voit la moralité à l’œuvre dans le monde animal : des dauphins qui viennent en aide à des nageurs en perdition, des rhinocéros qui viennent à la rescousse d'un bébé éléphant menacé par des prédateurs. Les éthologues se sont rendus compte qu'il y a des bases naturelles à la morale. Mais l'homme a la capacité de faire évoluer sa réflexion bien au-delà de ce que peuvent faire les animaux. Je vois mal les tigres, les loups et les requins militer soudainement pour le véganisme et l'antispécisme. Or l'homme a cette capacité de remettre en question ses comportements et d'étendre sa compassion, sa sollicitude et son souci à bien d'autres espèces que lui et à des distances considérables. Les êtres humains peuvent se soucier du sort des baleines à bosse qui sont en train de nager quelque part dans les eaux de l'Antarctique. On voit plus rarement les baleines à bosse se préoccuper de la détresse des enfants syriens. Non pas qu'elles soient méchantes ou indifférentes, mais cela n'entre tout simplement pas dans leurs capacités mentales.

     Il en ressort que si l'homme a une supériorité morale, ce n'est pas que celle-ci lui permet d'exiger tous les droits moraux de vie et de mort sur les animaux, mais cette supériorité morale exige de l'Homme des responsabilités morales qu'il doit respecter envers les animaux et que les animaux ne sont pas en mesure de respecter. L'être humain a donc des capacités qui lui permettent de juger si son comportement est bon ou mal envers les animaux. Il se doit de bien se comporter envers eux. Et justement le constat est amer : l'humanité ne se comporte pas très bien envers les animaux. On peut même dire que les humains se comportent de manière crapuleuse et monstrueuse envers eux. Prenant conscience de ce mal, l'homme se doit de réagir moralement et de prendre les mesures nécessaires pour faire cesser ce mal. La première mesure, la plus évidente, celle qui est à portée de notre être individuel, c'est de ne pas tuer, blesser ou torture des animaux nous-mêmes et de ne pas faire que d'autres du fait de nos actions soient obligés de tuer, blesser ou torturer des animaux. Concrètement, cela signifie devenir végane: ne pas consommer de produits animaux, viande, poissons, œufs, lait de vache ou de chèvre et produits laitiers, parce que cela implique de tuer des animaux, de les enfermer, de les plonger dans la plus grande détresse et de les faire vivre dans la peur.

   Du fait de sa supériorité morale, l'homme a des responsabilités envers les animaux, des devoirs plus que des droits. C'est un point important à souligner. Mais dans cette perspective, l'homme a-t-il le droit moral de posséder des animaux ? En fait, non. Il n'a pas le droit spécifique de le faire, mais il a le pouvoir de le faire. L'homme impose sa volonté non seulement aux animaux, mais également aux plantes et à la Nature : les êtres humains bâtissent des routes, des maisons, des constructions sans demander leur avis au monde naturel qui vit à cet endroit. Est-ce que c'est bien ou mal ? Je ne sais pas. Je constate simplement que l'homme impose sa volonté à la Nature. Dans cette optique, la question n'est pas de savoir si c'est bien de posséder ou pas des animaux, mais de prendre en compte que les animaux étant doués de conscience et de sensibilité, on ne doit pas les faire souffrir inutilement.

     Je sais que certains courants de l'antispécisme militent ardemment pour que l'humanité abandonne définitivement tout pouvoir sur les animaux : selon ceux-ci, on devrait ne pas posséder d'animaux domestiques, pas de chien, pas de chat, pas de hamster, pas de poisson rouge, pas de poule dans son jardin non plus. Tous devraient retourner à la vie sauvage, loin des méchants humains. Mais en fait, les chiens et les chats se sont accommodés de la présence humaine, en tirent avantage et seraient très malheureux s'ils devaient retourner dans la Nature où la lutte pour la survie est omniprésente, stressante et douloureuse. Pour moi, le problème n'est pas que les humains aient des chiens, mais que certains les maltraitent et les rejettent, et qu'ils finissent à la fourrière où ils vont finir leur vie, gazés dans l'indifférence générale. Le problème n'est pas qu'on ait des poules dans son jardin et qu'on mange ponctuellement les œufs qu'elle pourrait pondre, mais tout le système d'exploitation des poules pondeuses qui conduit à des souffrances inimaginables.

      Je n'ai donc pas de problème à ce que les humains puissent posséder des animaux, qu'ils bénéficient de leur travail, par exemple les chiens policiers qui reniflent de la poudre d'explosif et protègent le citoyen, voire qu'on valorise les ressources que ces animaux produisent, qu'un agriculteur utilisent les excréments d'animaux comme engrais pour son champ. En fait, la société des humains exigent des humains qu'ils travaillent pour le profit de cette société. Par exemple, je suis enseignant, et comme le fermier qui va mettre ses vaches dans leur prairie, on m'impose d'être de telle heure à telle heure dans une classe déterminée avec des élèves. C'est ce qu'on appelle le travail. Je ne pense pas que c'est le travail qui soit le problème, mais l'exploitation. Si on exige des horaires complètement contraignant, un salaire ridicule, qu'on vous insulte ou qu'on maltraite dans l'accomplissement de la tâche, alors il y a exploitation. Mais le travail en lui-même n'est pas de l'exploitation.


     Pareillement, les hommes possèdent des animaux et exigent certaines choses venant d'eux. En soi, ce n'est ni bien, ni mal. Par contre, l'homme doit respecter l'exigence morale de bien les traiter, de ne pas les blesser, de ne pas les tuer et de leur accorder de la nourriture et un logement décent au regard des besoins spécifiques de l'animal. C'est cela que nous devons garder à l'esprit en tant qu'être humain, être conscient qui devrait se rendre digne de ses capacités morale qui sont les siennes. Je dis bien « devrait » parce, malheureusement, l'homme se rend rarement digne des capacités morales qui sont les siennes.















Voir aussi sur le même sujet : 



Raphaël Enthoven pense que les antispécistes cherchent à devenir meilleurs que les animaux. Un loup ne cherche pas à abandonner la consommation de la viande. C'est  pourquoi il qualifie les véganes de "superspécistes". Mais ces réflexions ont-elles seulement un soupçon de validité ?




La domestication des animaux est-elle une mauvaise chose ? Je pense que non. Ce qui est mal, c'est la cruauté et les abus de pouvoirs dans les hommes se rendent souvent coupables, pas la domestication en elle-même.











Voir tous les articles et les essais du "Reflet de la lune" autour de la libération animale ici.



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