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samedi 5 mars 2016

Est-il facile de devenir végane ?




     Sur internet, un argument revient souvent : « Il est facile de devenir végane. Il suffit de se concentrer sur la souffrance des animaux qui subissent le martyre dans l'élevage, la chasse, la pêche ou tous les processus d'exploitation que les humains infligent aux animaux. Si on se concentre sur leurs souffrances et non pas sur nos habitudes ou notre appétit pour la viande ou les autres produits animaux comme les œufs ou les produits laitiers, on peut très facilement devenir un véritable végane en très peu de temps ». Mais est-ce si facile que cela de passer d'un coup à une alimentation entièrement végétale ?





    En fait, si on se limitait à dire : « cela facilite le passage vers le véganisme que de bien avoir en tête les souffrances gigantesques auxquelles sont confrontées les animaux du fait des actions des hommes plutôt que son intérêt personnel ou ses goûts », j'approuverai à 100 %. Par contre, dire qu'il est facile de devenir végane dans une société comme la nôtre, qui est massivement carniste, cela me semble quelque peu exagéré et gênant également. J'ai l'impression que c'est un moyen pour certains véganes radicaux de culpabiliser les personnes qui ont bien compris tous les impacts négatifs de l'élevage et l'exploitation animale, qui sont en transition vers un régime de plus en plus végétal, mais qui n'arrive pas à se détacher immédiatement de certains produits animaux.

   Quelles sont ces résistances à un alimentation exclusivement végane ? Il y en a de divers ordres : on pourrait commencer par citer la force des habitudes, le goût, voire l'addiction à certains de ces produits animaux. Pour ma part, j'ai eu toutes les peines du monde à arrêter de consommer du fromage alors qu'arrêter la viande ne m'a causé aucune difficulté et aucun manque. Je suis alors tombé sur un article de l'organisation AnimaVeg qui met en lumière la réelle addiction que peut susciter le fromage. Et de fait, je me sentais comme un drogué en manque ! C'était une tentation permanente quand je me retrouvais à proximité du rayon des produits laitiers dans un supermarché. Au bout d'un ou deux ans, cette dépendance a perdu graduellement de sa force. Aujourd'hui, cela ne m'obsède plus. D'autres personnes par contre n'auront aucune difficulté à arrêter le fromage, mais regretteront amèrement le poisson ou d'autres produits animaux. Nous ne sommes donc pas égaux face à ces tentations : selon les personnes, cela sera plus ou moins facile d'arrêter la consommation de tous les produits animaux.

      Mais les questions de goûts et de dépendance ne sont pas les seules difficultés à affronter. Nous vivons dans des sociétés carnistes avec des représentations qui considèrent qu'il est normal de manger de la viande, du poisson, du lait ou des œufs et même qu'il est même bon pour la santé d'en consommer, sans compter que ces représentations minimisent en permanence la subjectivité des animaux. Ces représentations conditionnent notre façon de penser et notre rapport à la nourriture dans nos idées, mais aussi au niveau de l'inconscient collectif. Celui qui veut arrêter toute consommation de produits animaux se heurte alors à une énorme pression sociale de la part de la grande majorité carniste. Que ce soit dans le cadre de la famille ou dans le cadre du travail, on nous presse de nous conformer à la façon habituelle de se comporter en société. Beaucoup de véganes ne le voient pas parce que ce sont des artistes tatoués qui n'ont que faire des habitudes mainstream, mais pour des personnes qui auraient un mode de vie plus conventionnel, c'est beaucoup plus gênant. Imaginons un cadre en entreprise qui a des rendez-vous d'affaire importants dans différents restaurants. Est-il si facile de trouver une alternative végane dans tous les restaurants ? Parfois, il y a moyen d'opter pour un plat végétarien avec du fromage et des œufs. Mais un plat végane qui soit autre chose que de la salade avec des tomates dessus ? D'autant plus que beaucoup de restaurateurs sont encore réticents, pour ne pas dire franchement hargneux quand ils doivent s'adapter, même légèrement pour un client végane.... Donc soit notre cadre impose sa volonté et passe aux yeux de ses collaborateurs ou clients comme une personne psycho-rigide avec qui il n'est pas agréable de faire des affaires, soit il se rabat sur un plat avec du fromage, voire du poisson, parce que le restaurant ne laisse pas d'autres choix...





     En conséquence, on veillera à être bien attentif au fait que devenir végane sera plus ou moins facile ou difficile d'une personne à l'autre. Encourager à cultiver l'empathie vis-à-vis des animaux et à faire passer leur sensibilité avant notre goût personnel et notre appétence m'apparaît une bonne chose. Mais il faut aussi cultiver l'empathie vis-à-vis des gens qui essayent de se détacher d'une alimentation axée sur les produits animaux. Ils subissent un conditionnement important de la part de la société et une pression sociale importante. Ce qui fait qu'il ne leur est pas nécessairement facile de passer au véganisme du jour au lendemain.

    Je pense qu'il est donc important de soutenir des campagnes du style Jeudi Veggie qui suggère aux gens de végétaliser leur alimentation progressivement et qui invite les restaurateurs à se familiariser avec une alimentation plus végétale et à adapter leur menu pour que la viande ou le poisson ne soit plus les seules axes des cartes de menu. Il faut faire bouger les lignes lentement, mais sûrement pour qu'il soit de plus en plus facile de devenir concrètement végane pour la majorité de la population dans nos sociétés.











Voir tous les articles et les essais du "Reflet de la lune" autour de la libération animale ici.

Voir tous les articles et les essais du "Reflet de la lune" autour du végétarisme et du véganisme ici

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