Pages

samedi 23 novembre 2013

Soutra de Samiddhi (canon chinois)

Le Soutra de Samiddhi

(Sur les plaisirs sensuels de la jeunesse)

(d'après la traduction du canon chinois)


    Voici ce que j’ai entendu alors que le Bouddha séjournait au monastère de la Forêt de Bambous près de la ville de Rajagriha. Cette fois-ci, tôt le matin, le bhikshu Samiddhi s’approcha des bords de la rivière, enleva ses robes, les laissa sur la berge et entra dans la rivière pour se baigner. Après son bain, il sortit de la rivière, monta sur la berge, s’habilla d’une seule robe et attendit d’être sec. A ce moment, un deva au corps entouré de lumière apparut, éclairant le bord de la rivière.





    Le dieu dit au bhikshu :
   « Vous êtes devenu moine récemment, vos cheveux sont encore noirs, vous êtes très jeune. Normalement en ce moment, vous devriez être parfumé, paré de pierres précieuses et de guirlandes de fleurs de façon à pouvoir apprécier les cinq sortes de plaisirs des sens. Mais vous avez abandonné ceux que vous aimez et avez tourné le dos à la vie mondaine. Vous souhaitez endurer une vie solitaire, vous avez rasé votre chevelure et votre barbe, revêtu la robe monastique, placé votre foi dans la vie monacale et l’apprentissage de la voie du Dharma. Pourquoi avez vous abandonné les plaisirs du moment présent pour chercher les plaisirs qui appartiennent au monde intemporel ?

    Le bhikshu répondit :
   « Je n’ai pas abandonné les plaisirs du moment présent pour chercher les plaisirs du monde intemporel. J’ai abandonné les plaisirs non appropriés pour les vrais plaisirs du moment présent. »

    Le dieu demanda :
    « Comment abandonne-t-on les plaisirs non appropriés pour arriver aux véritables plaisirs du moment présent ? »

    Le bhikshu répondit :
    « Le Très Honoré a enseigné qu'il y a peu de douceur et beaucoup d’amertume dans la joie associée aux désirs non appropriés des sens ; ses bénéfices sont minimes mais sa capacité à conduire au désastre est grande. Maintenant, alors que je m’établis dans le Dharma qui est à ma disposition ici et maintenant, je suis capable d’abandonner le feu des afflictions (klésas) qui nous enfièvre. Le Dharma est disponible ici et maintenant, est hors du temps, nous invite à venir et à prendre connaissance de lui. Il doit être expérimenté par chaque personne par elle-même. C’est ce que veut dire abandonner les plaisirs non appropriés pour atteindre le plaisir du moment présent. »

    Le dieu demanda à nouveau au bhikshu :
    « Pourquoi le Très Honoré dit-il que, dans les plaisirs non appropriés des désirs sensuels, il y a peu de douceur et beaucoup d’amertume, que ses bénéfices sont minimes mais que leur capacité à conduire au désastre est grande ? Pourquoi dit-il que, si nous nous établissons dans le Dharma disponible ici et maintenant, nous sommes capables d’abandonner le feu des afflictions qui nous enfièvre ? Pourquoi dit-il que ce Dharma appartient au moment présent, est en dehors du temps, nous invite à venir, à en prendre connaissance et est disponible ici et maintenant, réalisé et expérimenté par chaque personne par elle-même ? »

    Le bhikshu répondit :
   « Je ne suis ordonné que depuis deux ou trois ans. Je ne suis pas capable d’expliquer de manière complète les enseignements corrects et les préceptes proclamés par le Très Honoré. A présent, le Très Honoré vit près d’ici dans la Forêt de Bambous. Vous pourriez aller le voir et lui présenter vos questions. Le Tathâgata vous enseignera le vrai Dharma que vous recevrez et pratiquerez de la manière jugée convenable par vous-même.

    Le dieu répondit :
   « Vénérable bhikshu, à ce moment le Tathâgata est entouré de dieux très puissants et influents. II serait difficile d’avoir la possibilité de l’approcher et de lui poser des questions sur le Dharma. Si vous voulez bien approcher le Tathâgata de ma part et lui poser mes questions, j’irai avec vous ».
    Le bhikshu répondit :
    « Je vais vous aider ».
    Le dieu dit :
    « Alors, je vous suivrai ».

   Le bhikshu se rendit où le Bouddha résidait, inclina la tête et se prosterna devant le Bouddha, puis recula un peu et s’assit sur le côté. Il répéta au Bouddha la conversation qu’il venait d’avoir avec le dieu et dit ensuite :
    « Très Honoré, si ce dieu n'était pas sincère il ne serait pas présent ici avec moi. »

     À ce moment, on entendit la voix éloignée du dieu qui dit :

    « Révérend moine, je suis là, je suis là. »




     Le Très Honoré récita immédiatement le gatha suivant:

     « Au sujet des objets du désir,

    les êtres manifestent des perceptions fausses
    C'est pour cela qu'ils sont prisonniers des désirs
    Parce qu'ils ne savent pas vraiment ce qu'est le désir,
    Ils s'engagent sur un chemin de mort. »


    Alors le Bouddha demanda au dieu :
    « Comprenez-vous ce gatha? Si vous ne l’avez pas compris, dites-le. »

    Le dieu s’adressa au Bouddha :
     « Je n’ai pas compris Très Honoré ».

    Le Bouddha récita un autre gatha au dieu :

    « L'esprit qui désire ne naîtra pas.

    Si vous connaissez la vraie nature du désir,
    Quand il n'y a ni désir ni perception basée sur lui,
    Alors personne ne pourra vous tenter ».


    Le Bouddha lui demanda :
     « Avez-vous compris ce gatha ? Sinon vous devez le dire. »

    Le dieu s’adressa au Bouddha :
    « Je n’ai pas compris Très Honoré. Je n’ai pas compris Très Honoré. »

    Le Bouddha récita un autre gatha au dieu :

    « Si vous vous pensez plus important, moins ou égal

    Vous causez alors de la division
    Quand ces trois complexes sont transformés
    Alors rien ne peut plus agiter votre mental ».


    Alors le Bouddha lui demanda :
    « Avez-vous compris ce gatha? Sinon vous devez le dire. »

    Le dieu s’adressa au Bouddha :
    « Je n’ai pas compris Très Honoré. Je n’ai pas compris Très Honoré ».

    Le Bouddha récita un autre gatha au dieu:

    « Mettant fin au désir, transformant les trois complexes

    Notre mental s'arrête, nous n'avons rien à chercher ailleurs
    Nous mettons de côté toute affliction et peine,
    de cette vie et des vies à venir »


    Ensuite le Bouddha lui demanda :
    « Avez-vous compris ce gatha ? Sinon vous devez le dire. »

    Le dieu s’adressa au Bouddha :
    « J’ai compris Très Honoré, j'ai compris Très Honoré. »

     Le Bouddha avait terminé l'enseignement. Le dieu était enchanté de ce qu’il avait entendu et pratiquant selon ces enseignements, disparut sans laisser de trace nulle part. 

Samyukta Agama, sutra 1078.

Traduction réalisée par l'école de l'Inter-Être de Thich Nhat Hanh :


NB :


  • bhikshu (en sanskrit) ou bhikkhu (en pâli) : moine
  • gatha : strophe versifiée
  • Tathâgata : Ainsi-Allé, une appellation du Bouddha

Voir tous les articles et les essais du "Reflet de la lune" autour de la philosophie bouddhique ici.

Les soutras du Bouddha: 
              - Soutra de Jivâka sur la consommation de la viande (Jivâka Sutta)
              - Soutra de Kaccânayagotta (Kaccânayagotta Sutta)
               - Soutra des Bénédictions (Mangala Sutta)
               - Soutra de Jîvaka sur les disciples laïcs (Jîvaka Sutta)
               - Soutra de Bâhiya (Bâhiya Sutta)

Voir toutes les citations du "Reflet de la Lune" ici.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire